vendredi 19 novembre 2010

Le temps des bêtes

Cette fin de semaine, on annonçait l’arrivée du père Noël dans les centres commerciaux. Ça m’a tout de suite fait penser au marathon annuel des achats des cadeaux. J’ai pensé à tous ces gens qui envahiraient bientôt les magasins, le pas pressé, l’air irritable, préoccupés par tous les préparatifs de la fête. J’hésite à écrire cette chronique. J’aurais l’impression de profaner l’esprit de Noël en disant que plus on vieillit, plus la magie du temps des fêtes est effacée par le stress de l’organisation. Écrire cette chronique, ça serait peut-être gâcher l’illusion que l’on se fait de croire qu’année après année, on est toujours aussi ébloui par l’unicité du moment que lorsque l’on était enfant.

            Je ne vais pas livrer le perpétuel discours moralisateur d’un quelconque grand-oncle qui aime s’écouter répéter que dans son temps, « on avait des oranges dans notre bas de Noël pis on était  ben content! » Les aînés doivent comprendre que la quantité et la valeur des cadeaux reçus ne varient qu’en fonction de la société où l’on évolue, et qu’il serait difficile de se détacher de cette nouvelle mentalité. Sur le site de cyberpresse, on écrivait que la chaîne de magasins Future Shop prévoyait employer plus de 4000 travailleurs à travers le Canada pour répondre à la demande des fêtes cette année. De nos jours, ça ressemble à ça, l’esprit de Noël. Ce qui me désole, là-dedans, c’est la pression qui vient avec cette façon d’agir. Parfois, dès le mois de novembre, on s’enferme tout le week-end dans les magasins, on se fait piétiner par une foule, les nerfs à fleur de peau, sans se rendre compte qu’un petit être à nos pieds, à qui on a passé la moitié de la journée à reprocher sa turbulence, s’extasie en fait de toute la magie et l’excitation que les nouvelles décorations créent en lui.

             Personnellement, le temps des fêtes est la période que je préfère dans toute l’année, et je commence à me réjouir dès le lendemain de l’Halloween. Je souhaite ardemment qu’il se mette à neiger, mon cœur s’emballe dès que j’entends les accords d’une chanson hivernale et je suis toute attendrie à la vue des décorations et des lumières qui font leur apparition dans les vitrines des magasins. Jusqu’à ce que je rencontre un grincheux. Le genre de personne qu’on dirait aveuglée par le pessimisme. Là, ma joie frappe un mur. La neige devient « un maudit temps de *** », les chansons nous tapent sur les nerfs, et il faut encore aller racheter un courant de lumières, parce que celles de l’année dernière sont « toutes pétées ». Je me demande à quel moment on fait le grand saut. Quand est-ce que la liste de tous les préparatifs pour la fête prend tellement de place dans notre tête qu’elle nous empêche de nous laisser imprégner par l’ambiance festive qui couvre peu à peu la ville?

            En grandissant, on se doit d’être responsable, on a des obligations à remplir.  On commence aussi à prendre part aux conversations des adultes. On découvre que l’on doit éviter certains sujets en la présence de matante Pauline ou bien qu’on ne doit pas prononcer le nom d’une telle ou d’un tel à cause d’une vieille chicane de famille dont tout le monde ignore la source des hostilités. On peut dire ce qu’on veut, mais chaque personne est comme piégée par le temps qui passe. C’est peut être cet esprit critique, posé et rationnel que l’on développe en devenant adulte qui met une barrière entre nous et ce monde féérique que l’on se construisait étant enfant.
           
            Vous voulez un tuyau pour renouer avec la magie de Noël? Pendant le réveillon, laissez les conversations platoniques un moment, et allez voir dans la chambre du fond. Vous savez, celle où tous les enfants se réfugient pour fuir les questions et les commentaires habituels des tantes trop enjouées. Il y en a dans toutes les familles, de ces pièces secrètes où l’on peut jouer en paix avec nos nouveaux jouets et regarder des films en s’endormant sur une pile de manteaux avec nos cousins et cousines. C’est là qu’il perdure, le vrai esprit de Noël, dans l’innocence et le bonheur naïf de se sentir comblé et en sécurité avec ceux à qui l’on tient.

            Je ne sais toujours pas si c’était une bonne idée cette chronique. C’est un peu difficile que d’éviter de tomber dans le quétaine quand on parle de Noël. Mais en même temps, s’il y a bien un moment dans l’année où on peut se permettre de se défaire de la fausseté du quotidien, c’est bien celui-là…

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