lundi 18 octobre 2010

Nos valeurs sur la glace

            Comme quelques autres 500 000 Québécois, j’ai passé toute une soirée les yeux rivés sur mon écran de télévision à assister au sauvetage des 33 mineurs chiliens du fond de leur mine. Ainsi, je me suis levée le lendemain matin avec en tête l’idée de trouver un titre du genre «Fin du calvaire pour les 33 mineurs » en première page du journal. Quelle ne fut pas ma surprise (et mon indignation) en découvrant le valeureux gardien de buts des Canadiens de Montréal, Carey Price, à la une. Seule une minuscule photo au haut de la page nous rappelait que la veille, en plus du premier match local en saison régulière des Canadiens, avait eu lieu une preuve d’entraide et de compassion remarquable qui a captivé quelques milliards de spectateurs à travers le monde. Elles en seraient donc rendues là, les valeurs de la société québécoise? Entre les jambières de Carey Price? Car dans les dernières années, le hockey semble avoir monopolisé l’attention et les ambitions des Québécois de façon démesurée.
            « Ouin, mais le hockey c’est quand même de la fierté, de la persévérance… »
Oui, c’est bien vrai. Profitons-en donc pour souligner les bons coups de ce sport hivernal dans notre chère culture. Pour leur bel exemple de fierté et d’esprit d’équipe, décernons la troisième étoile du match aux joueurs du Canadien de Montréal. Citons par exemple les frères Kostitsyn et leurs relations avec le crime organisé. Ou bien tous ces jeunes hommes surpayés qui prennent congé pour un petit rhume (ou une grippe d’homme comme disent les médias dans ces cas-là). C’est ça que les jeunes retiennent de leurs idoles. De la partouse pis des caprices. Sous leurs petits casques d’aspirants joueurs professionnels, leurs oreilles écoutent; derrière leurs visières, leurs yeux enregistrent. Il n’y a pas à s’inquiéter : les valeurs de la Sainte-Flanelle trouveront certainement de bons successeurs.
            « Ok, mais le hockey c’est aussi une passion nationale. »
 En effet. Attribuons donc la deuxième étoile du match aux partisans du Canadien qui ont montré toute l’étendue de leur passion dans les émeutes lors de la série Montréal/ Boston en 2008. C'est si touchant de voir toute cette ferveur exprimée en foutant le feu à une voiture de police ou en cassant toutes les vitrines de la ville. Y a pas à dire, la frénésie des supporteurs du Canadien de Montréal doit faire des envieux dans les villes de la LNH.
            « Au hockey, t’apprends les valeurs de la vie. Le dépassement de soi, le courage, l’esprit d’équipe … »
C’est certain qu’à force d’entendre les bons conseils de leurs parents gueulés du haut des gradins, les jeunes prendront plaisir à se surpasser. Le tout ponctué de quelques sacres, ça vous active le dépassement de soi. « Belle game, mon Champion! » En grandissant, ça devient une question d’honneur. Quand vient le temps de montrer ce qu’on a dans le jack-strap, de jeter les gants au nom de son équipe, là on voit bien tout le courage et l’esprit sportif du hockey. « Bravo Champion! » Beau sacrifice. Tu passes la moitié de tes parties à réchauffer le banc de punition parce que t’as défendu tes coéquipiers. Oui, bravo Champion. La première étoile du match te revient. C’est une belle entrée que tu viens de faire dans la ligue des grands. Comme la majorité des Québécois, ton jugement s’est effacé en même temps que les coups de patins sur la glace au passage de la resurfaceuse.

            Peut-être que si les mineurs avaient mis leurs gilets du Canadien, ils auraient eu droit à la première page…

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